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Fonds de Tiroirs et petits carnets
20 janvier 2010

L'identité nationale c'est un truc que l'on enregistre pas.

En voila une journée Rock 'n Roll les gars.

une journée harassante.

Ce soir j'ai mal à la gorge, je crois que j'ai des morceaux de drapeau français coincés dedans.

Aujourd'hui je devais assister au "grand débat sur l'identité nationale" en Prefecture.

Contrairement aux 3/4 de mon entourage, je n'etais pas tellement hostile à la proposition de " l'homme le plus detesté de France". Poser une question dans tout le pays, demander à la population : " c'est quoi etre Français ?".

Pourquoi pas...

Je ne suis pas naif au point de croire qu'il n'y a derrière ce " débat national" aucune arriere-pensée politicienne, mais je suis convaincu que toute question mérité d'etre posée. "Disputer" des idées, même les plus odieuses, est une idée qui me plait.

J'ai toujours trouvé idiots ces politiques qui refusent de s'assoir autour de la même table que Jean Marie Le Pen. La censure de Dieudonné m'agace autant que l'antisémitisme. Le boycott D'Orelsan m'ecoeure autant que les hommes capables de frapper une femme.

Je me préparais donc à assister à ce débat avec une vraie curiosité. Je ne serai sans doute pas d'accord avec grand chose, mais je voulais entendre ce qui pourrait être dit.

Juste avant l'ouverture du débat en préfecture, j'etais en reportage sur un chantier. J'en suis ressorti trempé et couvert de boue.

C'est dans cet état que je me suis présenté aux grilles de la prefecture.

IMG_0291

Journalisme de terrain

Derrière les grilles, 3 types en civils guettent du coin de l'oeil l'identité de ceux qui passent la porte. Mes amis des RG, je les croise à chaque fois que je couvre une manif'.

Aujourd'hui la prefecture se la joue Pentagone, n'entre pas qui veut. Apparemment le débat sur l'identité nationale est un sujet sensible. Monsieur le Prefet ne veut pas de vagues. Les invités ont été triés sur le volet.

Aujourd'hui c'est sur il n'y aura ni nationaliste basque, ni jeune de banlieue-casquette-à-l'envers-parle-verlan dans la salle. Pour éviter tout débordement " à la Morano" les politiques n'ont pas été conviés. Meme les journalistes ont du insister pour avoir le droit d'être présents.

On ne plaisante pas avec l'identité nationale...

Devant la porte de la salle " Claude Erignac" [sic] j'ai droit au " Bonjour-Bisous-Salut-comment-tu-vas de l'attachée de presse. Puis à un sourire crispé et un regard en biais vers mon magnéto " Euh par contre tu ne vas pas pouvoir enregistrer. Le prefet ne veut pas"

Je change de couleur. Toute la presse ( écrite ) est à la table de presse. Ils vont pouvoir photographier, prendre des notes, rapporter mot pour mot en italique et entre guillemets dans leurs canards ce qui aura été dit ce soir. Mais moi je n'aurais pas le droit d'enregistrer les mêmes mots.

Si quelqu'un dit ce soir " L'identité nationale c'est la moustache du préfet", la presse écrite aura le droit d'en faire ses gros titres demain matin avec photo et nom de l'auteur de cette perle. Mais ces mêmes mots je ne pourrais pas les faire entendre à la radio.

Je fulmine, je prends Denis-Presse-écrite à témoin. Soutien mollasson  de mon confrère " Oh tu sais moi je ne connais pas les usages en radio..."

 Je me prépare à remballer mon micro, oh et puis merde, non, je sors de la pièce magnétophone en main. On m'a dit de ne pas enregistrer dans la salle. Donc je vais enregistrer à la porte de la salle.

J'improvise quelques interviews à l'arrivée des participants au débat. Le Prefet me regarde en coin, l'attachée de presse me jette un oeil paniqué. ils ne peuvent rien me dire, j'ai respecté la regle : je n'enregistre pas le débat dans la salle, j'organise MON propre débat à l'exterieur.

A un moment j'interroge une jeune fille. Une jolie black en Uniforme. Ecussons tricolores, elle represente le lycée militaire. j'hesite à un moment à lui demander son origine. Je me ravise. Certain veulent faire de ce debat une tribune pour les questions racistes. Pas moi !

IMG_0292

Le " grand débat sur l'identité nationale" debute. Frustré, je m'installe à la table presse.

Par esprit de contradiction j'allume discretement mon magnéto. Bien sur je n'utiliserai pas la bande. La prise de son en " micro caché" est de bien trop mauvaise qualité et surtout je ne peut pas me permettre de me griller avec la prefecture.

Je ne diffuserai pas ce que j'enregistre discretement mais ça me soulage de voir le bouton "REC" clignoter en rouge.

A coté, comme prévu, la presse ecrite ne perd pas une miette des débats. Elle pourra rédiger un bel article ce soir, avec plein de guillemets et d'italiques.

Alors moi aussi, pour passer le temps, je prends des notes.

J'ai alors le droit à un beau cours d'education civique niveau cours elementaire : Liberté, Egalité Fraternité, Drapeau, Marianne , droit de vote...

Un halterophile (!) propose que " Jean Jacques Goldman réecrive les paroles de la Marseillaise". Un autre trouve scandaleux que l'on ait " financé avec nos impots un concert de Johnny Hallyday sous la Tour eiffel le 14 juillet". Un ancien combattant deplore le "manque de jeunes lors des ceremonies du 11 novembre", un prof d'histoire géo enchaine sur la question que pose " sur nos valeurs françaises, la main de Thierry Henry". La salle rebondit aussitot sur " l'exil fiscal scandaleux de ces joueurs qui portent le maillot tricolore". Un citoyen italien tente de faire avancer le débat, mais son accent trop marqué rendra sa tirade incomprehensible. Un retraité lui arrache le micro pour dénoncer "la fin du service militaire obligatoire."

La prefecture est devenu un café du commerce, et je n'ai meme le droit d'enregistrer les breves de comptoirs.

je quitte la salle en passant devant le drapeau français et le drapeau européen.

L'identité nationale je sais desormais ce que c'est : une heure de perdue...

 

B.

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Commentaires
C
Hé c'est vrai je l'avais complètement oublié ce débat! ça me fera toujours halluciner cette vilaine censure à la française... Ici en NZ c'est la mode anglosaxonne et tu vois des trucs vraiment choquant à la TV, j'ai même vu un bout de reportage sur les prisons néozélandaises, je sais pas quand on verra ça en France. Tu me dira ici ils ne sont pas en surpopulation carcérale, il sont pas assez nombreux... dès que j'aurai fait des progrès en anglais j'essaierai la radio Kiwi et je te raconterai!! bzoux
N
bravo pour cette petite chronique en direct de la préf'... édifiante.<br /> <br /> nico, pote et collègue de delphine g.
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