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Fonds de Tiroirs et petits carnets
26 mars 2010

qu'importe le flacon, pourvu que l'on entende le crachat

Apres deux semaines consacrées aux élections régionales, 2 dimanche soir à bouffer de mauvais plateaux repas en préfecture et autant de nuits blanches, j'ai les idées un peu brouillardeuses.

lorsque l'on ne dort pas assez, la qualité du travail s'en ressent. Notamment celle de mon écriture.

Ainsi cette semaine j'ai redigées des phrases aussi belles que " Les salariés D'Essex dressés contre le plan de licenciement" qui prononcée en direct devant un micro est assez sucullente.

tout comme " les handicapés vont marcher pour le retour des transports en commun gratuits"

Il y a aussi ces moments d'absences pendant le journal où je joue à Doodle jump sur mon téléphone et oublie de reprendre la parole quand mon micro se rallume. ( Les plus geeks comprendront )

La semaine a donc été longue, d'autant plus que Stagiaire-Marc n'est plus là pour me seconder.

Vous avez d'ailleurs été nombreux à me réclamer le retour de ses incroyables aventures sur Le Tiroir. J'ai encore quelques recits sous le coude, mais avant je tenais à vous faire partager une petite phrase de Marc.

Cette semaine Victor et lui sont en reportage " independant", leur sujet a été précommandé par la radio et sera diffusé prochainement.

Mercredi coup de fil de Stagiaire-Marc : " Oh si tu savais les infos que je viens d'obtenir, j'ai de merveilleux scoops ! mais je ne te raconterai rien..."

Coup de poignard ! Un garçon que j'ai pris sous mon aile, conseillé, couvé et qui une semaine seulement apres son départ décide de tuer le père...

Et pourtant, je ne suis pas rancunier, aujourd'hui encore, j'invitee le personnage de Marc sur le blog, et je vous raconte son dernier jour de stage à la radio :

Stagiaire-Marc tout craché !

Sur les marches de l'escalier je brieffe Marc comme un coach et son boxeur " Je veux Du crachat ! Un beau bruit de crachat, je veux que l'on entende le liquide entrer dans ta bouche, faire le tour de ton palet et retomber bruyamment dans le seau. Si on ne t'entends pas cracher, considere que ton sujet est raté".

Nous sommes ce vendredi apres midi à la maison des vins de Groscouillons sur Saone. Nous avons été invité à participer au jury de degustateurs. Accompagnés de professionels du vin, nous devrons désigner aujourd'hui à l'aveugle les meilleurs vins de l'appellation locale du dernier millésime.

Pour ce dernier jour de stage, les roles ont été clairement définis. Marc s'occupe de réaliser un beau reportage, pendant que je picole tranquillement à une table.

IMG_0531

A l'entrée nous signons la feuille de présence. Marc se retrouve au jury numéro 3. je suis à la table numéro 8. Et je comprends que je me suis fait avoir. Alors que Marc va devoir gouter les vins blancs ( ce qu'on fait de meilleur dans le coin), je me retrouve face à une vingtaine de bouteilles de rosés. J'ai horreur du rosé. Je ne le tolère que dans le sud, au coeur de l'été et en bord de mer. Dans le coin les blancs sont bons, les rouges sont souvent corrects, mais les rosés sont infames. Groscouillon n'est pas la Provence.

Avant de rejoindre ma table j'explique à Marc ce que j'attends de lui. Je veux un reportage vivant. Je veux entendre les verres qui résonnent lorsqu'ils touchent la table. Il faut que son micro capte le chant de la bouteille qui se vide, de celle que l'on débouche. je veux que l'auditeur voit les crayons de papier courir sur les grilles d'évaluation. je veux qu'il attrape les conversations du jury. Et surtout, surtout je veux entendre les crachats.

Sur chaque table deux gros seaux, on les saisit par les poignées et on recrache le vin que l'on vient de découvrir.

Bien sur qu'il faut aussi des interviews, des explications, que l'on aprenne quelquechose, mais si je n'entends pas de crachat, il manquera évidemment quelquechose...

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Chaque Jury est composé de trois dégustateurs. Deux professionels ( viticulteurs ou négociants en vin pour la plupart) et un consommateur plus lambda.

Moi je suis plus que " lambda". Je n'ai rien d'un oenologue. Bien sur j'aime le vin, le rouge surtout, bien sur j'apprecie les bonnes bouteilles, mais je suis tres loin d'etre un connaisseur.

Bon j'ai lu les 10 premiers tome du Manga " Les Gouttes de Dieu", mais je ne suis pas sur que ça ne me serve à grand chose aujourd'hui.

Devant moi une grille à remplir. Pour chaque vin il faut noter l'appréciation " à l'oeil", " au nez" et " en bouche" puis rédiger une petite phrase d'observations.

Je suis saisis d'angoisse, j'aurais du passer plus de temps à picoler avec mes copains Picard et Sabourin dans " La Bibliothèque". Je n'ai aucune base, aucune reference et pas même le vocabulaire. je tente donc de joeur franc jeu : " Euh, je suis un vrai novice, je compte sur vous pour me donner quelques conseils". Les deux me regardent en souriant " Ah non, on a pas le droit, ça fausserait le concours"... Je jette un oeil à la table de Marc, il est en train d'interroger un Papy qui lui dévoile tout les secrets de la dégustation. Moi, je vais devoir improviser.

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Appréciation à l'oeil : Je connais mal le rosé. Je ne sais pas ce qu'est : " un beau rosé". Alors, je tourne mon verre dans tous les angles, comme mes voisins je prends un air penetré. J'essaye de me donner une contenance. Ce rosé est ... rose. Ca sera aussi le cas des 19 échantillons suivants.

Appréciation au Nez :  Je dois ici confesser un terrible handicap. Je n'ai aucun odorat. Je souffre d'une terrible "dérivation de la cloison nasale" qui fait beaucoup rire mon entourage, mais qui est pourtant une réalité. je suis incapable de respirer par le nez. Il me faut 3 jours de plus que Frau Nath' pour me rendre compte qu'il est temps de changer la caisse du chat.

Je n'arrive pas à remplir cette grille. J'ecoute mes voisins, je m'invente un avis. Mais je ne sens rien. Rien du tout.

Appreciation en bouche :  J'ai l'impression que je vais enfin avoir quelquechose à noter sur ma feuille. Je ne suis vraiment pas un spécialiste, mais je crois avoir déja gouté assez de vins pour etre sur de mon gout. Je sais reconnaitre un bon et un mauvais vin.

Le problème c'est que je ne peux pas ecrire " bon" ou " mauvais" dans la case observation, c'est un peu léger.

D'accord, Je vois bien que cet echantillon est plus sucré que les autres. Mais jamais comme mes voisins, je n'aurais pensé à inscrire " gout caramel".  Ok je trouve que ce vin est un peu pétillant, mais j'ignorais que c'etait dû au " gaz carbonique qui n'a pas fini son travail"

Parfois je tente d'impressioner mes voisins : " Oh, il pique celui là". Je m'entends répondre " On dit Astringent". Alors, docilement, je note " astringeant" sur ma feuille d'évaluation.

Mais le plus grand moment entre chaque bouteille, c'est celui du seau. Jamais ne n'avais partagé de moment aussi intime avec des inconnus. Je crois avoir été bien elévé. Tout petit on m'a appris que " cracher c'est mal". j'ai donc eu un petit mouvement de recul quand mon voisin s'est emparé du seau pour y cracher le contenu de sa bouche. Juste apres lui le troisième homme de la table l'a imité.

Il a donc fallu faire comme eux. J' ai pris mon courage à deux mains, le seau avec une seule et j'ai craché mon rosé. Le vin est venu mourir au fond du seau et s'est melangé à la salive des deux autres membres du jury.

Pendant une grosse heure, 20 bouteilles, nous avons ensemble rempli un seau de vin et de miasme. Une intimité que seul les rangées d'urinoirs des stations essences de l'autoroute du soleil m'avait déja procuré.

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Bizarrement les tables de dégustation des rosés ont terminé leur travail bien plus vite que celles des meilleurs vins. Je cours à la table de Marco, il est encore en train de picoler, micro en main.

Je repasse instatanement en " mode chef". " Bon Marc t'en es où ?".

Il a interrogé les organisateurs, pris un cours de dégustation avec son papy. il a aussi enregistré des bruis de verres, de bouteilles. Mais pas de crachat... Il tente de se justifier. " j'ai pas eu le temps".

Je dois partir et recuperer le matériel. " Bon Marc, toi tu vas cracher !, je m'occupe de la prise de son".

Le petit est un peu hésitant. il n'ose pas cracher devant un micro. Il pouffe un peu. On refait la prise. Il parle avant de déglutir, je relance le magnéto. Au final il aura fallu que Marc s'y reprenne à 5 fois pour que j'obtienne le cracahat parfait.

On entend tout : le verre porté à ses levres, le nectar qui rentre dans sa gorge, les papilles qui entrent en action et enfin le crachat qui propulse le vin de sa bouche au seau.

Apres montage, ça fera un bien beau reportage.

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Lundi matin, Marc n'est plus là. Son stage s'est terminé à la maison des vins. Je monte le sujet et prends bien soin de terminer par le crachat de mon ex-stagiaire.

A l'antenne je n'ai pas manque de préciser " un sujet signé, tout comme le crachat, par Stagiaire...Marc."

B.

Ps : Merci aux lectrices de ces lignes qui m'ont adressé d'adorables mails vendredi. Merci, vraiment.

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Commentaires
P
je ne t'ai jamais trouvé autant inspiré qu'avec ces lignes sur le vin. A bientôt. Collègue ?
F
heureusement que lors de ton passage à la "bibliothèque" tu n'as pas recraché le superbe Bordeaux que j'avais versé dans ton verre... <br /> J'l'aurais mal pris.
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